Page 16 - MORPHOLOGIE DES STRUCTURES
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16 INTRODUCTION

surface de sa section ou répartie sur sa périphérie, tel que pour les tubes à paroi mince raidis par diaphragme
(comme le bambou) ou par mousse (comme la tige de pissenlit).
Des éléments en treillis ou en résille, afin de se jouer de l'effet d'échelle en gardant leur élancement constant, ou
encore haubanés, sont aussi efficaces pour les grandes structures. Les travaux de Gustave Eiffel (1832-1923) et de
Vladimir Choukhov (1853-1939), les grands ponts en treillis outre-Atlantique ou dans l'ex-Commonwealth
jusqu'en 1950 (comme le très bel arc en treillis de la baie de Sydney), ou encore maintenant de nombreux pylônes
et antennes, illustrent cette approche.
Finalement, et c'est ici qu'il faut être très attentif à l'effet d'échelle, les composants à section pleine ou très com-
pacte, comme c'est le cas de la plupart des profilés industriels ou standards dont la largeur et l'inertie géométrique
sont en proportion avec la section résistante, voient leur élancement mécanique croître avec leur longueur absolue ;
ils sont donc nécessairement moins efficients lorsqu'ils sont longs.
L'usage de la meilleure combinaison possible de profilés I, qui présentent toujours un axe de faible inertie, même
choisi à partir de plusieurs séries standard, ne permet de conserver un élancement suffisamment faible et constant
que pour des structures de taille réduite. Leur emploi rend dès lors la détermination de la morphologie optimale
dépendante de la taille absolue de la structure. La meilleure performance intrinsèque des tubes et le vaste choix de
leurs dimensions possibles améliorent cependant cet état de fait.
C'est ainsi que l'on peut comprendre l'appréhension légitime des ingénieurs à propos du flambage, et ce d'autant
plus que les structures sont grandes, lorsqu'ils sont contraints, comme c'est souvent le cas, au seul emploi de ces
profils compacts.
Il convient cependant de noter que les dispositions prises pour éviter les importants surcroîts de matière que l'insta-
bilité élastique impliquerait demandent un travail de fabrication supplémentaire par rapport aux profils compacts
standard, ce qui pénalise aujourd'hui l'efficience recherchée.

3.2. LES ASSEMBLAGES

L'étude considère que tout élément en traction présente un élancement suffisamment élevé que pour ne pas devoir
tenir compte du volume des assemblages et suffisamment constant que pour ne pas devoir tenir compte de l'effet
d'échelle. Les nœuds des structures triangulées sont en outre considérés comme articulés.
L'influence de ces deux premières hypothèses sur la précision des résultats d'une part et sur leur pertinence d'autre
part est également étudiée au chapitre I. C'est ainsi que le câble en traction équipé d'œillets d'extrémité (aussi appe-
lés “chapes”) y est examiné en détail.
En effet, si la transmission d'effort entre éléments comprimés ne consomme théoriquement aucune matière (une
colonne repose sur son support sans autre artifice), ce n'est pas le cas en traction : un assemblage est nécessaire. Le
supplément de matière correspondant peut même, dans certains cas, être beaucoup plus préoccupant que celui qui
serait dû à l'instabilité élastique 7.
C'est précisément à cause de leurs ancrages, et contrairement à l'élément comprimé (qui est d'autant plus efficace

que son matériau présente un σ E faible, que les charges s'y concentrent et qu'il est court et trapu), que les élé-
ments en traction sont d'autant plus efficaces que leur matériau présente un σ E élevé, qu'ils sont en grand nom-

bre pour reprendre la charge qui leur est distribuée, et qu'ils sont longs et élancés.
En d'autres termes, il y a toujours intérêt à concentrer les efforts transmis par compression sur un élément dont la
matière peut être de résistance relativement faible et être diffusée sur une section présentant la plus grande surface
apparente et le plus grand pourcentage de vide (tels les os), et à diffuser la charge transmise par traction sur le plus
grand nombre possible d'éléments de section pleine réduite, dont la matière présente une résistance élevée (tels les
tendons à l'extrémité des muscles).
Il importe dès lors non seulement de s'assurer du plus grand élancement possible pour les éléments en traction, mais
également de leur constance suffisante pour éviter l'effet d'échelle, le volume des œillets étant directement propor-
tionnel à cet élancement.

7 Je l'ai appris à mes dépens lors de la mise au point de mâts haubanés pour éolienne, dont j'ai dû substantiellement réduire le nombre d'œillets
   équipant des câbles relativement courts en utilisant des selles pour permettre la continuité des câbles et donc, à même longueur totale, en aug-
   menter la longueur individuelle.
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