Europa FR - page 188

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EUROPA
2013.11.19
2013.03.29
Enfin, la quatrième phase (ACO). La plus longue et celle dont le budget représente
dix fois celui de la phase précédente. Mais rien ne pouvait être engagé sans les
opérations antérieures, lesquelles ont révélé des pollutions ignorées, ont entrainé
des travaux non prévus à l’origine. Les fondations ont dû être renforcées, les
pieux coulés en plus grand nombre. Des travaux en sous-œuvre, conduits avec
discernement, ont livré de précieuses informations archéologiques : les moules
des volutes ornant la frise moulurée placée sous la corniche du Résidence Palace
étaient mêlés aux terres et aux débris de remblais, ayant servi pour les chapes de
sol des soubassements de l’ancien bâtiment. On a peine à dénouer les logiques
entremêlées des trois ou quatre sous-chantiers conduits simultanément dans
cette phase ACO : celui de la lanterne, le plus spectaculaire et le plus complexe ;
celui des nouvelles façades intérieures, l’une enjambant le tunnel ferroviaire,
l’autre servant de plan d’appui et de liaison entre la lanterne et le Résidence
Palace ; le bâtiment ancien lui-même dont les façades sont restaurées et une
travée entièrement refaite : double vitrage mais dans des châssis à l’aspect
ancien ; ferronneries des garde-corps ; boiseries, planchers, réflecteurs de
lumière dans les embrasures de fenêtres, parachèvements intérieurs. Le même
jour de visite (21 septembre 2012), il est question de la stabilité des ouvrages
neufs (une structure métallique de 5.000 tonnes, la moitié du poids total de la
Tour Eiffel), et des nuances de couleur pour les parements en blocs de simili
pierre des hauts murs des anciennes façades. Il est question aussi des délais de
réalisation et du rééchelonnement des étapes du chantier.
Le pouvoir de l’architecture vient de sa vocation constructrice et de sa rela-
tion aux fonctions les plus universelles de la vie sociale – habiter, éduquer,
soigner, commercer, gouverner – comme aux institutions qui les représentent
dans l’espacepublic. Or, avecEuropa, lechantier d’architecturenepeut se réduire
au seul théâtre de l’édification ; il est le miroir d’une autre construction, à l’image
de l’institution que le nouveau bâtiment abritera. À sa manière architecturale,
ingénieuse et créatrice, le nouveau siège du Conseil européen symbolise l’essor
de cette exceptionnelle création politique que devient année après année la
réunion des nations du continent au sein de l’Union européenne. Les difficultés,
les lenteurs, voire les conflits, sont ceux d’une œuvre en mouvement, portée par
la volonté de ses artisans et l’intuition du but à atteindre. Quel but ? Sans doute
a-t-on oublié aujourd’hui cette parenté « constructiviste » – et dange-
reuse – entre création artistique et création politique : l’urgence est celle d’une
révolution pacifique, sa direction celle qu’impose la résolution de crises succes-
sives, mais le but lui-même demeure incertain, car c’est au mouvement même
de l’action qu’il est demandé de le révéler. Les pays de l’Union européenne
s’élancent vers une forme d’union politique sans précédent, ils y sont poussés par
le désir de garantir une paix civile acquise après des décennies de violence ex-
trême ; guidés par la conscience des nouvelles configurations de puissance dans
lesquelles les évolutions et les émancipations du monde contemporain l’obligent
à entrer. De fait, le chantier d’Europa se trouve à l’unisson du chantier institu-
tionnel lui-même ; sa vocation serait d’aboutir à un bâtiment amiral, emblème du
pouvoir exécutif européen et du rayonnement politique qu’on attend de lui.
TRAVAUX EN COURS
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