Page 16 - ELEMENTS EUROPA (FR)
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a donc une épaisseur et une profondeur, ses éléments vitrés sont autant
d’occasions de jouer des effets de transparence et de miroiterie lumineuse
directe ou oblique. La visibilité de l’élément central de la composition – la
lanterne – introduit un problème architectural dont la résolution dépend à la
fois de dispositifs d’éclairage et d’effets de perspective, réglés sur les phases
et les rythmes de la vie du bâtiment.
L’encagement de la lanterne signifie la protection de son foyer et le
double régime diurne et nocturne de sa puissance de rayonnement. Le
patchwork extérieur offre l’image d’un rapiècement presque démesuré,
il traduit la force des héritages typologiques, constructifs, artisanaux de
l’ancienne Europe, tandis que son strict arrangement structurel assume
les charges du recyclage, met en ordre la poétique du réemploi, ouvre la
perspective d’une architecture qui ne se réclame ni du seul patrimoine
historique ni des prouesses techniques modernes, mais hisse comme un
drapeau l’exigence de sa responsabilité écologique.
L’écart entre la façade de bois (extérieure) et les flancs de verre de la
lanterne (à l’intérieur) implique l’obligation d’animer le rapport entre les deux
architectures. Et parce que la position respective des deux objets et leur
double géométrie invitent à maintes interprétations, leur jeu réciproque,
qui les soumet aux alternances de lumière et d’ombre, d’action et de repos,
d’intensité et de calme, d’évidence et d’énigme, implique une scénographie
quasi théâtrale.
La lanterne abrite le cœur du dispositif politique européen puisqu’elle est
destinée à l’accueil des sommets de chefs d’État et de gouvernement ainsi
qu’aux réunions des conseils de ministres. Elle porte le symbole le plus direct
du pouvoir exécutif dont le traité de Lisbonne a doté l’Union européenne.
Or, ce symbole est à moitié caché pendant le jour derrière sa résille de bois.
Le sens de son architecture ne dépend pas seulement de sa destination
finale mais de sa propre structure architectonique : celle-ci est double ou
triple ; elle est composite, voire éclectique ; son aspect sous la lumière se
divise en phases alternantes, diurne et nocturne ; elle est ambiguë. À l’image
de l’Europe dont la vocation est fédératrice mais dont l’unité n’est encore,
sous tant d’aspects, que virtuelle. L’Europe est constitutivement dépendante
des États qu’elle réunit, elle n’existe pas sans eux. Cependant, elle devient
le centre névralgique et la cible des conflits d’opinions et des contestations
publiques : objet politique mal-aimé, en même temps qu’objet fantasmé
et désiré. On la méconnaît, on la sait indispensable. Comment le nouvel
emblème du pouvoir exécutif européen échapperait-il au risque de cette
ambivalence ? Par la réponse que son architecture apporte à la sollicitation
du public ; par un soutien sans équivoque au rôle visible de l’institution dans
l’espace bruxellois ; par le jeu et l’animation de ses multiples plans de façade.
La division interne du bâtiment entre ses deux ou trois architectures
(le Résidence Palace glisse encore un pan de sa façade sur la rue de la Loi)