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INDUIRE L’ACTIVITÉ DES DÉCORS Georges Meurant
J’expérimente, d’ordinaire à l’huile sur bois, un mode de
tension spatiale qui met en œuvre l’ensemble des facteurs
constitutifs du champ pictural : l’induction figurale réalise la
transmutation – discontinue mais qui paraît inépuisable – de
l’espace perceptif par les enchaînements – imprévisibles –
d’agrégations et de désagrégations d’ensembles de formes
selon une dynamique de réattribution des contours de figures
rectangulaires hautement colorées en aplats. Du fait qu’ils
coïncident, se confondent, se superposent, les contrastes et
les contours sont en rivalité à la limite des formes, ce qui me
permet de dissocier la forme de son contour pour pouvoir
le réattribuer à une autre forme ou à un groupe de formes
au sein de la grille virtuelle constituée par les contours de
l’ensemble des figures. Chaque figure peut s’effacer pour
laisser se former plusieurs sous-ensembles. Chacun remplira
tantôt la fonction de transmetteur, tantôt au contraire celle de
rupteur. Des continuités ou similarités permettent les symétries,
les complètements, les régularités. Des butées forcent aux
changements de parcours, pondérées par les alignements. Les
appels aux redistributions se font par les teintes, les saturations, Daubechies2, agent d’une firme turque qui usine les moquettes
les valeurs ou par leurs combinaisons mais aussi par les
étendues, les directions similaires et d’autres interactions.
Les compositions horizontales ont requis deux nuanciers
– un pour les plafonds, un pour les tapis. Les entrepreneurs
m’accordaient 20 tons. Ils m’en ont concédé 72 par nuancier
sous réserve que les surfaces couvertes par chaque couleur
soient égales, contrainte que j’ai refusée. Je m’en suis tenu à
62 pour les plafonds et 60 pour les tapis. 7 550 m2 de plafonds
en dalles de feutre teinté dans la masse sont répartis en onze
étages de salles et de foyers et 1 000 m2 de tapis en mérinos
disposés dans quatre salles. À la grille orthogonale construite
par la juxtaposition des dalles carrées des plafonds s’oppose
celle, radiale, choisie pour les tapis en anneaux dont les
étendues sont telles que les figures/couleurs qui les constituent,
bien que gauchies par deux courbes tendues et deux faibles
obliques, interagissent comme de simples rectangles.
Je me suis rendu à l’usine Filzfabrik de Fulda, qui produirait
et teindrait les feutres de laine, flanqué d’un ingénieur de
l’entreprise générale de construction et de deux responsables
de l’usine hollandaise désignée pour la découpe des feutres
en unités carrées de 60 cm et leur ordonnancement en vue du
montage dans les salles selon les plans que j’aurais à fournir,
qui transcriraient mes compositions en autant de grilles
chiffrées distribuant les tons numérotés de 1 à 62. Après visite
de l’usine avec son directeur et débats avec le chromiste,
m’ont été présentées, outre les couleurs en vogue, toutes
celles actées depuis la création de l’entreprise au milieu du
XIXe siècle. Cinq ont été créées pour compléter mon nuancier.
J’ai pu circuler par le truchement d’un endoscope à travers
les étages d’une maquette garnie de photocopies de mes
plafonds. Une troisième entreprise en a enfin scellé les dalles.
Visibles à dimensions réelles sous l’éclairage définitif, mes jeux
d’harmonisations et de contrastes me satisfont du point de vue
de la gamme légèrement acide mise en œuvre comme de celui
des volumes que sa combinatoire magnifie dans les salles ou
des parcours qu’elle fluidifie à travers les dédales des foyers
bas de plafond. Perçue de près sans qu’il faille vraiment lever la
tête, la densité des feutres renvoie des teintes riches dont on
assumera pleinement l’impact dans les salles1.
La création du nuancier des tapis polychromes en laine de
mérinos néo-zélandais a été plus problématique que la création
de celui des plafonds. Je n’ai eu qu’un seul interlocuteur, Albert
semi-industrielles. J’ai peiné à trouver ce qu’il me fallait dans
la gamme qui m’a été proposée. J’ai obtenu difficilement la
création de quelques tons plus proches de ceux des plafonds.
Les délais de production ont été extrêmement longs. Le
nuancier a été acquis en août 2014.
Plus de mille portes présentent des décors imprimés à Brescia
par Abet Laminati. Mon contrat en prévoyait de sept formats,
il y en a 14. 40 portes colorées se succèdent dans les enfilades
de certains couloirs. L’entrepreneur autorisait 20 clichés, j’ai
pu composer 22 dessins, à l’échelle 1/1 et à 300 DPI, soit six à
dominante rouge, six à dominante verte et dix polychromes.
Huit de ces compositions, imprimées sur des feuilles de stratifié
de 305 x 130 cm, ont permis une, deux ou trois découpes.
14 compositions imprimées sur des formats de 225 x 100 cm
étaient prévues pour trois, quatre, cinq, six ou sept découpes.
Divers positionnements des découpes au sein des surfaces
imprimées cacheraient au visiteur la répétition d’un même
dessin au même étage. Les lignes de coupe seraient de couleurs
différentes pour éviter les erreurs. Elles seraient tracées dans
l’étroite zone blanche de part et d’autre de la composition pour
bien positionner l’impression sur la porte. Il fallait éviter qu’elles
tombent à côté d’une limite entre deux tons.
La quadrichromie constitue le problème majeur posé par la
reproduction de mon œuvre. Celle-ci exclut le noir, si peu que
ce soit, même par mélange. L’impression compromet l’un des