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LA COULEUR DANS L’ESPACE
L’architecte ne fait pas toute l’architecture ! La conception Il est très important que l’architecte ne limite pas son action
architecturale est un processus impliquant beaucoup à l’espace abstrait mais s’efforce de maîtriser également
d’intervenants, sous la direction de l’architecte. l’intégration de ces signes de vie dans le bâtiment. L’un des
plus visibles parmi eux est la couleur que l’on peut donner
Certes, l’architecte est seul à concevoir l’espace, c’est-à-dire aux parois. L’approche architecturale de Philippe Samyn et
un volume, abstrait au départ, qui se matérialise par la mise en associés considère a priori la couleur même des éléments de
œuvre de matériaux. construction comme œuvre d’art : il s’agit non pas d’accrocher
une œuvre indépendante devant un mur, un sol ou un plafond
Ce faisant, il met au point et coordonne une multitude pour les masquer, mais d’ajouter une composition harmonieuse
d’aspects de la construction qui concernent les cinq sens, de couleurs aux parois qui s’y prêtent. Le support de l’œuvre
l’âme et l’esprit des utilisateurs : l’acoustique, la température et colorée reste un élément de construction qui remplit des
l’humidité de l’air, la sensation tactile lorsque l’on marche sur le fonctions bien précises dans le bâtiment et obéit aux règles
sol, les odeurs, l’harmonie visuelle, etc. dimensionnelles et constructives qui en découlent. Il revient
à l’artiste de respecter les contraintes que cela implique,
Sur ce dernier point, dans le bâtiment Europa comme dans la notamment en matière de calepinage ou de texture. Bien plus,
plupart des projets de Philippe Samyn et associés, les matériaux il lui incombe de les magnifier pour faire accéder le support, par
sont montrés autant que possible dans leur apparence naturelle l’art, à un niveau supérieur de signification, sans pour autant nier
et sont choisis dans une gamme volontairement limitée : chêne sa raison d’être première.
clair, acier inoxydable microbillé et verre extraclair. D’autre
part, lorsqu’un revêtement doit être appliqué, par exemple Ici, la plupart des grandes surfaces qui n’ont pas de couleur
une peinture, c’est un ton gris pur (c’est-à-dire composé « naturelle » (comme c’est le cas par exemple pour les parquets
exclusivement de noir et de blanc) qui est choisi. Enfin, lorsque et les surfaces vitrées) sont revêtues des aplats que Georges
l’élément de construction est sujet à accumulation de poussière Meurant utilise pour provoquer l’« induction figurale » :
(par exemple la structure de l’atrium), la peinture est du ton – les plafonds en feutre teinté ;
« gris poussière » déterminé par l’analyse chromatique de la – les tapis en laine teintée ;
poussière présente dans le quartier. – les revêtements de portes en stratifié imprimé ;
– les gaines d’ascenseurs en panneaux de PVC expansé rigide
Mais à ce stade de développement du projet, l’architecture imprimés.
n’est pas encore complète parce qu’elle n’est pas « vivable » : il
lui manque des « signes de vie ». Non seulement les personnes Chaque application tire parti du matériau spécifique du
qui vivent dans le bâtiment, mais aussi la couleur, le mobilier, support et fait l’objet d’un calepinage exhaustif et précis, chaque
les machines, les plateaux de fruits sur les tables, la décoration élément étant numéroté.
florale, les fontaines qui bruissent, les bonnes odeurs de cuisine
ont un puissant pouvoir évocateur qui fait la différence entre un
espace « sculptural » froid et un espace « vivable », un espace
réellement architectural.
