Page 11 - MORPHOLOGIE DES STRUCTURES
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INTRODUCTION           11

                                    2. Le volume de matière comme critère d'efficience

L'efficience d'une structure ne peut être objectivement établie car elle se définit par rapport à de nombreux critères
dont aucun ne prévaut a priori sur les autres.
Le choix du ou des critères relève donc d'une prise de position philosophique.
Il faut en conséquence expliciter les raisons pour lesquelles mes réflexions se sont orientées vers la recherche du
volume de matière minimum, ainsi que celles pour lesquelles d'autres critères ne sont pas pris en considération ici.
La raison principale est qu'il s'agit, semble-t-il, du seul critère dépendant uniquement du calcul de structures, ce qui
le rend universel.
D'autre part, le fait qu'une structure, dont la forme concrète dépend intimement du lieu, soit un objet physique fait
de matériaux aux propriétés plus ou moins variables, soumis aux aléas de la nature et au fait de l'homme, pourrait
inciter à ne jamais entamer de réflexion telle que celle-ci. Car, quel que soit le critère choisi, les hypothèses utili-
sées peuvent contenir tant d'imprécisions qu'elles permettraient de conduire à des conclusions contradictoires. Ce
constat implique donc une deuxième prise de position philosophique qui peut se résumer en déclarant que cette
étude se veut être une utopie cohérente, parfaite dans son abstraction morphologique, précisant les limites extrêmes
du champ des études concrètes.
Une troisième position philosophique a trait à la beauté qui, lorsque l'on parle de la justesse d'une structure, est inti-
mement liée aux proportions de ses formes en relation avec le site qui la reçoit, et qui ne peuvent découler à mon
sens que du critère de volume.

2.1. LE CRITÈRE FINANCIER

Le coût est souvent le maître mot qui vient à l'esprit lorsque l'on tente d'objectiver l'efficience d'une structure. Il est
paradoxal de constater que la croyance confiante et généralisée dans l'objectivité apparente des techniques met
l'ingénieur, la plupart du temps, à l'écart de l'optimisation des coûts.
Lorsqu'il s'en préoccupe et pour les structures courantes, ses réflexions s'orientent vers les possibilités du marché et
les solutions économiques du moment. Elles dépendent des capacités de l'outil industriel, du cours des matériaux et
du prix de la main-d'œuvre, mais aussi de la stratégie commerciale des fabricants ou des entrepreneurs, voire de
situations politiques.
Mais de quel coût parle-t-on ?
Le plus souvent, le coût dont l'ingénieur est amené à se préoccuper est le coût direct qui ne prend pas en compte les
coûts secondaires tels que la consommation énergétique, les effets sur la santé et la jouissance physiologique. Il ne
tient pas compte non plus de la durée de vie, du démontage ou de la démolition, du recyclage, de la maintenance ni
des économies faites au détriment des autres composants de la construction. Or ces derniers facteurs sont aussi
déterminants dans l'appréciation de l'efficience globale.
Le coût ne peut donc être retenu comme critère d'efficience que pour comparer des structures à fonctions clairement
définies à un moment donné et dans un lieu précis. Dans ce cas, il peut en outre être aisément déterminé en multi-
pliant l'indicateur de volume par le coût de l'unité de matière mise en œuvre.

2.2. LE CRITÈRE SOCIO-ÉCONOMIQUE

Le retour de la démocratie sur une petite partie du globe, depuis la constitution américaine de 1787, associé à l'avè-
nement industriel 3, y a généralement permis le développement d'un bien-être de base pour la plupart. Il s'en est
suivi une hausse des coûts de main-d'œuvre associée à une réduction des coûts de production des matières par une
industrie efficace. En conséquence, l'efficience structurelle se mesure actuellement dans ce contexte et des structu-
res plus lourdes que nécessaire, mais produites avec peu de main-d'œuvre, représentent souvent la réponse opti-
male.

3 La découverte et l’exploitation de très grands gisements houillers et de pétrole, dès la fin du dix-neuvième siècle, offre une abondance énergé-
   tique inconnue jusqu’alors. Cette dernière dynamise l’activité humaine mais transforme graduellement la relation entre l’humanité et la
   nature.
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