Page 10 - MORPHOLOGIE DES STRUCTURES
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10 INTRODUCTION

En d'autres termes, le volume de matière d'une structure et sa déformation peuvent aisément être déterminés et

comparés, à partir de ce qui sera appelé ici les INDICATEURS DE VOLUME W = σV FL et DE DÉPLACE-
MENT ∆ = Eδ σL , tous deux adimensionnels et exclusivement fonction de L H . Ces indicateurs correspon-
dent au volume de matière V et au déplacement δ d'une structure en un matériau homogène, de dimension
principale longitudinale L = 1 m, sous charge totale F = 1 N, avec E = 1 Pa et σ = 1 Pa 1.

Ainsi, indépendamment du matériau et pour un état de charge donné, les performances de n'importe lesquelles de
ces structures ramenées à l'unité (donc soustraites à l'effet d'échelle) deviennent comparables. À l'instar de l'ento-
mologie, des collections de structures unitaires par cas de charge, sortes d’“insectes” morphologiques, peuvent
alors être rassemblées, bien que la logique de ces collections n'ait encore pu être établie. Il n'est en effet procédé
que par comparaison a posteriori des propriétés établies pour chaque “insecte”, sans qu'une méthode globale n'ait
été trouvée pour permettre directement le dessin de la structure optimale 2. Ces collections permettent cependant
déjà une approche plus raisonnée du choix structurel.

Cette réflexion s’inscrit aussi dans une préoccupation, plus générale, de limitation de la consommation énergétique
tant pour ériger une construction que pour l’utiliser, la maintenir ou finalement la démonter. À matière identique, sa
limitation signifie en effet aussi la limitation de l’énergie contenue dans la structure qui représente, encore actuelle-
ment et à elle seule, plus des trois quarts du volume ou du poids d’une construction.

Toutes autres choses restant égales, il est connu que la structure présentant une forme funiculaire, linéaire (telle
qu’une chaînette) lorsqu’elle est bidimensionnelle ou surfacique (telle qu’un dôme en paroi mince) lorsqu’elle est
tridimensionnelle, sous un état de sollicitation extérieure donné, présente une grande légèreté. Ces sollicitations
sont en effet transférées relativement directement aux appuis par efforts de traction et/ou de compression interne.
Les treillis articulés, plans ou tridimensionnels, quel que soit leur état de sollicitation, ne sont également le siège
que d’efforts de traction ou de compression, mais ne font pourtant pas partie de ces structures, linéaires ou surfaci-
ques, dites funiculaires.

Cependant, et contrairement au treillis, une funiculaire bidimensionnelle est incapable de supporter un état de solli-
citations autre que celui pour lequel elle a été dessinée. Tout au plus, l’augmentation de section de ses composants
permet-elle de résister à l’augmentation de l’intensité totale de l’état de sollicitation initial.
Une funiculaire tridimensionnelle, sous forme de membrane continue ou réticulée, peut par contre supporter un
quelconque état de charge continu, moyennant l’adaptation de son épaisseur ou de la section de ses membrures.
Elle convient donc parfaitement lorsqu’un état de charge est prédominant pour une structure bidimensionnelle ou
lorsque les états de charges sont continus pour une membrane tridimensionnelle.
C’est le cas du poids propre pour les constructions de très grande portée ou en matériaux pondéreux à résistance
relativement faible. C’est aussi souvent le cas des constructions enterrées ou des murs de soutènement.

La majorité des structures, et surtout lorsqu'elles sont les plus légères possible, sont sollicitées par des efforts varia-
bles et/ou ponctuels et de surcroît très souvent dynamiques. La recherche de la légèreté conduit ainsi à des compo-
sants structuraux qui risquent d'être trop élancés et dont la résistance serait limitée par les phénomènes d’instabilité
élastique, ou à des structures complètes trop sensibles aux effets dynamiques.
Lorsque les surcharges fixes ne sont pas prédominantes, les treillis plans, isolés ou placés en parallèle pour répon-
dre au cas tridimensionnel, par leur capacité à reprendre globalement des efforts de flexion, constituent alors la
seule morphologie structurelle permettant, au prix de l’allongement du transfert des forces, de limiter la matière
nécessaire à la reprise de charges les plus variées par efforts internes de compression et/ou de traction simple.
Ils permettent en outre la mise en œuvre de nombreux composants contreventés, donc faiblement élancés, et d’un
amortissement interne important pour faire face aux conséquences souvent désagréables des efforts dynamiques.

1 Ces indicateurs peuvent également et facilement être exprimés pour une structure composée d'éléments en matériaux différents ou pour les-
   quels d'autres valeurs de σ, E sont assignées.

2 L’approche de Ben Verbeeck [1] basée sur les algorithmes génétiques ouvre cependant une voie de recherche très intéressante pour détermi-
   ner la forme et la proportion optimale d’une structure sous un état de charge particulier. Il poursuit ce travail dès septembre 2003 comme sujet
   de doctorat à la faculté de sciences appliquées de la VUB.
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