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3 ENVERS ET ENDROITS DU DÉCOR

L’architecte a souhaité un décor unifié. Les mêmes motifs de couleur
ornent les plafonds et les tapis des salles de conférence, les trémies des
ascenseurs, les faux plafonds des foyers et couloirs de circulation, les portes
de bureaux des délégations et du secrétariat général. L’unité ici est à la
fois polémique et doctrinale. Elle est polémique, parce qu’elle est destinée
à contrarier les accessoires décoratifs qui ne manqueraient pas de venir
parasiter l’architecture au gré des aléas de commandes opportunistes ou
de décisions improvisées ; doctrinale, car il s’agit bien de défendre le rôle du
décor en architecture. Le Mouvement moderne était parti en guerre contre
l’ornement : surajouté, coûteux et arbitraire. Depuis lors, on a souvent rejeté
le décor avec l’ornement, ce qui est un contresens. Car l’offensive contre
l’arbitraire de l’ornement n’avait pour but, chez Adolf Loos lui-même, que
de sauver l’authenticité du décor, en sa double fonction d’expression des
matériaux et de manifestation des qualités intimes de l’espace construit.
Chez Loos, affirmer que « l’ornement est un crime » revenait à dire que le
décor authentique devait procéder uniquement de l’architecture et non
de l’ornement qui la maquille et la travestit. Aucune référence toutefois
au grand architecte viennois chez Philippe Samyn, d’autant moins que
la conviction d’un rapport étroit, nécessaire entre la couleur, la qualité
de réflexion lumineuse, la texture des matériaux et la composition elle-
même s’est formée à partir de principes sensiblement différents : l’ordre
propre de l’architecture s’élabore dans une relation constante à l’ordre de
la perception ; et l’ordre des mesures et des dimensions doit trouver son
expression, voire sa traduction dans l’ordre des sensations.
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