Europa FR - page 98

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EUROPA
2013.08.30
L’atrium, en tant que thème d’architecture, a donc la valeur d’un espace critique ;
il instaure ou refuse le rapport de l’édifice avec son environnement, il ménage ou
interdit une continuité des vues, des ambiances ; s’il n’emprisonne pas, alors c’est
qu’il est offert par surcroît, il signifie la gratuité, il ouvre une place libre à l’intérieur
du bâtiment. Dans le cas d’europa, et quoi qu’il en soit des probables restric-
tions de circulation dues aux périmètres de sécurité, instaurés lors des sommets
de gouvernants, l’architecte manifeste avec éclat son métier de
designer
de
l’espace public. L’atrium, réinvention de la « salle des pas perdus » ? De la cour
abritée, sinon de la place « à l’italienne » ? Il faut penser ici au nécessaire intervalle
entre les trois architectures (les façades en patchwork ; les travées rétablies du
Résidence Palace ; le nouvel édifice au « cœur » du projet), et reconnaître à ce
vide intérieur le rôle d’une transition entre ces composantes. C’est en soi une ar-
chitecture : à l’entrée, un seuil de pierre ; un ajustement des niveaux marqué par
un léger emmarchement ; puis un plancher de bois, auquel font écho les façades
ouest et sud du bâtiment rénové. Celles-ci, revêtues de panneaux à persiennes
(louvres),
tamisent les sons et la lumière, et forment sur le pourtour un décor de
fond de scène. Il faut appréhender, à ce stade du projet, le contraste des géomé-
tries, des profils, des textures ; il faut deviner le choc des sensations, le contact
avec l’imprévu. Il faut imaginer les impressions du ministre, du fonctionnaire, de
l’invité, du visiteur.
Vous entrez ; vous venez de traverser la double paroi du patchwork et de son
double de verre ; vous sentez dans votre dos le long rideau vertical et l’embrouil-
lamini des textures de bois, des tirants de métal gris, des grands vitrages. Et vous
voici face à une grande forme ventrue, à la distorsion apparente : elle ne se tient
pas tout à fait au centre, elle se décale légèrement, elle ne fait que chevaucher
partiellement l’axe diagonal qui divise le plan carré ; vous sentez cette diagonale
parce que vous continuez de percevoir derrière vous l’angle droit des façades
sur la rue. L’énormité de cette sculpture habitée ne vous empêche pas de sentir
la subtilité d’un profil en ellipse, plus mince ici, plus ample là. Un peu en retrait
du milieu de la scène, elle vous invite à la contourner pour aller aux escaliers
et aux noyaux centraux. Elle envoie vers vous les reflets déformés de toutes les
lignes, de tous les chaînons, de toutes les mesures qui règlent l’espace qui vous
enveloppe.
Schéma de la répartition des efforts dans la
structure de la façade de l’atrium. L’optimisation
de la morphologie de la structure a permis de réduire
de 30 % la quantité d’acier par rapport à une solution
classique.
Voir à ce sujet :
Étude de la morphologie des
structures à l’aide des indicateurs de volume
et de déplacement.
Philippe Samyn, 2004,
Académie royale de Belgique, Classe des Sciences.
L'ENTRE-DEUX DES PAS PERDUS
1...,88,89,90,91,92,93,94,95,96,97 99,100,101,102,103,104,105,106,107,108,...260
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