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gure à gure. 35% d’opacité relative suf raient, avec quelques zones moins transparentes, l’œuvre occupant la totalité de la hauteur des vitrages.
La mise en œuvre des contrastes et des harmonisations ne suf t pas aux enchaînements de l’induction gurale. Encore faut-il que les permutations de groupes de formes en d’autres groupes de formes puissent s’effectuer par réattribution des contours sur la grille virtuelle que constitue l’ensemble des contours des gures contigües. Cette structure inégale est rythmique, algorithmique. Des algorithmes locaux articulent les surfaces selon un jeu de régularités (rythmique des écarts) et d’irrégularités (abolitions ou ajouts de subdivisions au sein de la grille). En résulte le champ de tension stochastique – discontinu – qui permet l’abondance
et l’imprévisibilité des émergences et des disparitions. Pour que toutes les gures puissent s’agréger et se désagréger, avancer et reculer, émerger et s’enfoncer, il faut que le regard saute d’algo- rithme en algorithme. L’idéal serait qu’on tombe d’une con gu- ration dans une autre en un perpetuum mobile. La continuité entre les fresques et le décor des vitrages s’imposait. Je résolus de substituer une trame orthogonale algorithmique en pixels aux trames à points ronds qui m’étaient proposées pour moduler la lumière reçue et/ou renvoyée par chaque vitrage. Un microcosme tramerait un macrocosme pour passer de l’opacité blanche à une transparence nécessairement plus sombre. Car ce qui serait blanc renverrait toute lumière reçue, tant à l’intérieur des salles qu’à l’extérieur, tandis que ce qui serait translucide révélerait la variété des obscurités relatives, notamment celles de couleurs si ténues soient-elles.
Je s dix compositions originales exploitables selon deux hau- teurs et déclinables en soixante-cinq modules combinant cent quatre-vingt-huit découpes par séquences dynamiques horizonta- lement et verticalement. La disposition de découpes compensa la perte des continuités algorithmiques initiales, chaque vitrage ou ensemble de vitrages ayant son propre rythme distinct des ceux des vitrages ou ensembles de vitrages voisins. Chaque vitrage fut dé ni par trois lettres : la première désigna une des dix composi- tions : A, B, C, D, E, F, G, h, I, J. La lettre suivante en indiquait la
position : R signi ant recto, V verso (translation horizontale de R) et h translation verticale de R. La dernière lettre – G ou D – pré- cisait si la coupe devait se faire par la gauche ou par la droite. Exemples : AhD signi a composition A en translation verticale, section mesurée de droite à gauche ; hRG signi a composition
h recto, section mesurée de gauche à droite. À ces trois lettres s’ajoutait le nombre de trois ou quatre chiffres qui précisent la largeur du vitrage, bords cachés compris. Exemples : JRG 950, hRD 1204. La pixellisation fut réglée à la dimension d’1 mm. J’aurais préféré 0,5 mm – plus sensible (plus proche d’un effet de sablage) –, l’impression sérigraphique ne le permettait pas. Un
mal pour un bien : les mouvements aléatoires non répétitifs de
la trame algorithmique sont visibles distinctement de près. Il fut impossible de faire l’essai d’un vitrage complet à grandeur réelle. Et comment juger d’une chose dont on n’a vu qu’un détail ? Il fallut me faire con ance. Mes décisions ne sont pas les fruits de vues de l’esprit mais les expressions d’une somme de vécus.
Mon art s’adresse à l’individu. Sa pratique me libère du ressasse- ment de la pensée. Je m’efforce après coup d’optimiser le résultat de mes actes instinctifs. Conçue sans émotion, vide d’intention, ouverte à toutes les projections, mon œuvre s’offre en espace d’apparition. Elle montre comment fonctionnent les mécanismes ré exes par lesquels s’effectue notre perception du monde. Elle offre à voir comment s’articule le langage – elle invite à articuler. Qu’on se rassure, les usagers d’AGC ne seront pas perturbés par ce décor qui encadrera discrètement leurs activités. Ils seront sus- cités, dynamisés plutôt que distraits. Les instants de satisfaction sensorielle que certains lui abandonneront ne pourront que les ressourcer, pas leur nuire. L’ensemble exalte la lumière partagée par chacun dans sa singularité et par tous dans la diversité.
Georges Meurant
Fig. 1 | [01-494] | Résidence Palace (Siège du Conseil européen) | Bruxelles | 2005-2015
Représentation de l’aménagement intérieur de la salle de réunion au 5e étage de la lanterne (2012-2013), tapis, frise et plafond par Georges Meurant
Fig. 2 | [01-574-1a] | Lujiazhi Cultural Creativity Garden Zhoushan | P1 : entrée du site | Zhoushan | China | 2010-en cours
Dessin du revêtement de la façade par Georges Meurant