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LE DECOR
Je peins des polychromies fondées sur l’équilibre des rouges,
des jaunes et des bleus. Le blanc et le noir sont exclus de mon jeu. L’enjeu : une combinatoire qui n’en  nit pas de se réarticuler tant que dure l’attention. Ma peinture tente d’induire une transmuta- tion permanente de ses formes – l’induction  gurale démultiplie des formes par réattribution de leurs contours. Cette innovation m’appartient. Ma peinture identi e la forme à la couleur. Des quadrilatères colorés en aplats monochromes chacun, disposés orthogonalement, couvrent l’intégralité du support. Je vais de la couleur à la structure qui en résulte. Cette « grille » n’a ni teinte,
ni épaisseur, ni largeur, ni profondeur. Elle totalise les contours des formes juxtaposées, lieux de la cessation d’un ton et du départ d’un autre. Les tensions chromatiques aux contours confèrent à la grille une autonomie suf sante pour qu’elle puisse se subdiviser en sous-ensembles groupant les formes selon divers contrastes ou similitudes qui induisent les associations de  gures par transla- tions et ampli cations. Leurs dissociations sont causées par des inégalités de la grille et/ou par les appels de nouveaux aperçus. Ma peinture combine simultanément les trois types de contrastes ou de similitudes permis par les facteurs qui caractérisent la
forme colorée (teinte, saturation et luminosité), mais aussi ceux qui relèvent de la matérialité de la couleur (texture, grain) ou de la façon de la poser (épaisseurs, laques). Ces variables déterminent les associations et dissociations, jonctions et disjonctions de formes qui instituent les permutations d’ensembles de  gures –
la  gure étant la forme dé nie par son contour.
En janvier 2013, Philippe Samyn m’invita à concevoir un ensemble composé de larges éléments quasi monochromes, la dixième collaboration avec lui depuis qu’en mai 2010, j’avais accepté de soumettre mon expérimentation picturale aux contraintes inhé- rentes aux arts appliqués. Je ne travaillerais pas à un décor inerte. Par ailleurs, il n’est ni plus ni moins d’œuvres au sein de ces arts que parmi celles qui n’existent que par elles-mêmes. La distinction entre l’artefact et l’œuvre ne relève que de la perpétuation d’une activité dans ce qu’abandonne l’artiste une fois son travail terminé. Certes, l’œuvre fait exception. Cette nouvelle collaboration serait
la première réalisation accomplie – inauguration prévue pour l’au- tomne – tandis que je compose sous sa direction le décor intérieur
du nouveau siège du Conseil européen qui se construit à Bruxelles (7 550 m2 de plafonds en patchworks de feutres teintés et une surface équivalente de tapis en laine pour les salles de conférence, 2 500 m2 de compositions reproduites photographiquement pour des trémies d’ascenseurs, un millier de portes) et que s’attarde l’érection sur un îlot en Mer de Chine face à Zhoushan, à l’entrée du Lujiadzi Cultural Creativity Garden, d’une tour construite par Philippe SAMYN and PARTNERS à l’invitation des architectes Wang-Shu et Lu Wenyu. Les façades est et ouest présenteront chacune 1 000 m2 de compositions peintes sur métal d’après mes projets, avec un recul immense, et une troisième composition
(180 m2) à la base de la face ouest, d’un moindre recul. Mon œuvre s’en tient à l’exploitation d’automatismes perceptifs universels.
Je serais ravi qu’elle marque l’entrée d’un lieu public d’Extrême- Orient.
Je fus tenté de dynamiser les quasi-monochromies qui devaient illustrer le thème de la diffraction de la lumière en séquences d’arc-en-ciel largement pixellisées (unité 15 x 15 cm environ),
de l’aile sud (rouge) à l’aile nord (bleu) : 400 m2 de « fresques » en tissu imprimé translucide tendu sur fond blanc pour habiller les murs du hall principal du futur siège d’AGC Glass Europe à Louvain-la-Neuve, pour qu’on se situe visuellement dans ce vaste espace. Je composai quatre paires d’ensembles à fortes domi- nantes rouge (du magenta à l’orange), jaune (de l’ocre au cinabre avec des pointes de rose et de bleu), verte (plus quelques accents rouges et bleus) et bleue (et un peu de verts et de roses). Mon travail fut accepté mi-février. La dif culté avait été d’exploiter des contrastes et des assimilations dans de faibles écarts de lumino- sité, d’intensité ou de saturation des teintes. Restait à résoudre les problèmes d’exécution. Je fus satisfait des essais sur tissu à dimension réelle. Me fut alors présenté un projet qui soumettrait l’induction  gurale à l’épreuve d’une amputation supplémentaire de facteurs essentiels à son fonctionnement : les couleurs. Les vitrages de salles de conférences et de réunion devaient être partiellement couverts par une « zone de pudeur » qui isolerait les participants sans nécessiter trop d’éclairage arti ciel. Les com- positions seraient imprimées en sérigraphie, des aplats blancs tramés mécaniquement de points de dimensions différentes de
L’atelier de Georges Meurant (20108-05-03)
Painting, 2011, huile sur bois, 200 x 200 cm


































































































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