Europa FR - page 72

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EUROPA
2011.11.29
2012.08.30
réquisitions de sécurité de l’exécutif européen. L’intervalle créé entre les plans
verticaux de la double façade facilite l’équilibre thermique à l’intérieur du bâ-
timent. Il rend nécessaire le passage, lui-même sécurisé, d’une nacelle de
nettoyage et de maintenance.
La récupération des châssis de fenêtres sur des chantiers de rénovation ou
de démolition à travers toute l’Europe, leur acheminement, leur montage en
atelier réalisent une idée présente dès les premières esquisses du projet, sous
l’inspiration d’un travail de conception explicitement acquis aux exigences du
développement durable : une économie du réemploi, jointe à une audacieuse
ingénierie. La combinaison des fenêtres de bois à l’intérieur d’une structure
en patchwork révèle la tension assumée de cette architecture, entre référence au
geste ouvrier, à ses traditions artisanales pérennes, et déploiement de la composi-
tion à une échelle inusitée. Les dimensions de ce patchwork sont celles d’un véri-
table système architectonique, selon une tendance constante de l’architecture de
Philippe Samyn, qui consiste à se départir des illusions d’une géométrie planaire :
l’architecture est pensée d’emblée dans son épaisseur et sa profondeur, elle
assemble des blocs de matière, ceux-là fussent-ils aussi minces que possible, et
non de simples surfaces. Le patchwork assemble des boîtes – c’est-à-dire des
volumes – faites de bois, de verre et de métal, dans une stricte coordination de
la géométrie et des forces structurelles.
Le patchwork n’est pas un bricolage, il est inspiré par une philosophie de la com-
position. Celle-ci transfère à l’échelle de l’architecture des significations maté-
rielles et techniques bien établies. Assemblage de pièces de tissus, intégrant
la variété des motifs et des textures, le patchwork donne vie et forme à l’hé-
térogène. Il se souvient des origines textiles de l’architecture [selon la théorie
généalogique de Gottfried Semper], voire des quatre ou cinq techniques liées à
l’usage des fibres végétales ou animales : tissage, tressage, nouage, feutrage… En
tant que réemploi de matériaux déjà manufacturés et usagés, le patchwork est
une technique de seconde main : il fait de cette secondarité même le principe
d’une revalorisation de matériaux mis au rebut, et l’occasion de rehausser des
figures, de réveiller des formes et des couleurs endormies. Il est l’art d’une
seconde vie, particulièrement propice à la symbolisation.
Par extension, le patchwork désigne la capacité de réunir ses fragments épars
dans un plan : il assemble le divers, le dissemblable. Le patchwork remplit le plan,
mais sans la contrainte du pavage régulier, lequel exclut par principe l’intervalle
vide et le chevauchement. Il tolère au contraire le rattrapage, le rapiècement. Il
présente tous les signes d’un art mineur – et pourtant l’architecture l’élève ici au
rang d’un audacieux système de construction. Il est une technique architecturale
authentique. Plastique et sensible, celle-ci s’extrait d’une vision purement formelle
de la conception, hisse ses géométries de fortune au rang d’un art accompli.
Le patchwork assortit ses morceaux selon des similitudes qui peuvent être de
matière, de forme ou de motif. En ce sens, l’assemblage n’est ni parfaitement ré-
gulier ni vraiment aléatoire. L’environnement de la vie quotidienne en est peuplé :
l’étal du marchand ; la mode et les styles de la rue ; les livres dans la bibliothèque.
Le patchwork est lié à l’écriture, au dessin, à la peinture. Il superpose les lignes
LE PATCHWORK
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