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De l’enveloppe de l’édifice, on peut deviner l’aspect que présenteront ses
écailles de verre. Par sa brillance et à cause de son galbe, la façade de la lan-
terne fera scintiller dans l’atrium, à toute heure du jour, ses milliers de facettes
incurvées. Or à défaut d’imaginer un polygone à mille côtés (chiliogone)
sinon à dix mille (myriogone), enroulé à même les flancs de ce corps géant
[
« … je ne peux pas imaginer les mille côtés d’un chiliogone, comme je fais les
trois d’un triangle, ni, pour ainsi dire, les regarder comme présents avec les yeux
de mon esprit ».
Descartes,
Méditations
, VI], il faut bien se représenter le méca-
nisme d’une telle construction. L’accroche des panneaux sur la structure, et la
précision de leur assemblage sur les courbes de la lanterne, constituent l’un de
ces détails d’architecture sans lesquels on ne peut espérer aucune compréhen-
sion des gestes techniques de l’art ni des effets qu’ils produisent. Si l’on pouvait
assister aux opérations de montage de ces trapèzes de verre, on verrait les fines
platines horizontales articulées aux montants de la structure primaire, et la
menuiserie métallique qui ajuste chaque partie à la géométrie d’ensemble,
à ses tolérances mécaniques, à la continuité requise entre les panneaux
contigus. Tout cela à seule fin d’assurer la beauté du résultat. Les pouvoirs
d’animation de l’architecture sont liés, comme dans les industries de l’image mais
en vraie grandeur, aux vertus du montage et à une action technique dirigée vers
notre perception. La réussite tient à la réunion d’une vision d’ensemble et d’une
induction logique née de la concaténation des détails. La tension des opérations
constructives subsistera dans la sensation reçue par ceux qui n’auront pourtant
rien vu ni su des didascalies du chantier.
Une sérigraphie de traits blancs, réalisée sur les panneaux de verre, confirme,
et cette fois de manière immédiatement visible, à la fois la précision du
calepinage et les gradations recherchées pour la finesse de la percep-
tion. Le dessin et le rythme des tracés restreignent la vue depuis l’atrium vers
les galeries internes à la lanterne, plus qu’elle ne limite la vision en sens
inverse, depuis l’intérieur vers l’extérieur. Ce faisant, les variations du motif
accompagnent la courbure du volume et amplifient esthétiquement le rythme
de sa disposition verticale. Plus le regard s’élève vers le centre convexe, plus
la transparence diminue. L’intervalle se réduit entre les bandes de la sérigra-
phie, leurs chevrons s’épaississent sur les panneaux centraux, les plus éloignés
de la base et du sommet : texture plus dense à mi-hauteur, là où la lanterne
s’élargit ; plus lâche et dilatée en haut et en bas, là où elle se rétrécit.
Motif des sérigraphies des vitrages de la lanterne (élévation AA, voir p. 143), 2012.
DES ELLIPSES DE VERRE
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