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LEs gRIs PURs ET LA COULEUR
Le verre transparent, sablé, laqué blanc pur ou miroir, est
ici naturellement omniprésent. Il est porté par les éléments constructifs en acier peint en blanc pur ou inoxydable microbillé, en aluminium anodisé naturel ou en chêne lasuré et bambou réti é.
Les tapis et carrelages de sol, les peintures et carrelages des murs, les peintures des plafonds, le mobilier (sauf celui en bois) ne présentent aucune couleur : ils sont tous gris pur, sans nuance colorée, du blanc au noir, choisis dans le nuancier NCS1 nos 0500 à 9500.
Ils agissent comme des « miroir aux couleurs » et forment le support « nécessaire et suf sant » pour la couleur non seulement des interventions artistiques, mais aussi des habit(ant)s.
C’est à l’occasion de la rénovation du Kasteel Groenhoven, à Malderen (1996-1999 ; 01/352), qu’il fut en n possible d’obtenir d’un fabricant (en l’occurrence Sigma Coatings) de la peinture grise sans nuance colorée.
Le commanditaire, hendrik Seghers, s’exclama alors : « maar
het zijn kleur spiegels! » lorsqu’il vit se ré échir la couleur de
ses beaux tableaux dans des échantillons au format DIN A5 de ces tons gris. Le château est devenu un gigantesque « miroir aux couleurs » des œuvres d’art et de la vie qui l’habite, de la façade gris foncé, qui change de couleur selon l’heure et le jour, à tous les murs, plafonds et sols intérieurs (sauf ceux en chêne). Depuis lors, seuls ces gris sont employés dans les projets pour permettre à l’œuvre d’art d’y trouver toujours sa place.
C’est ainsi que, pour la caserne des pompiers de houten aux Pays-Bas (1997-2000 ; 01-373 – gure 1), 2 200 enfants de 5 à 7 ans peignirent chacun leur image du pompier sur autant de panneaux au format A3, pré-peints dans des tons dégradés entre le bleu ultra-marine et l’orange, xés côte à côte sur le mur de fond du garage pour former une grande fresque de 25 m de large sur
12,5 m de haut.
Plus tard,Yves Zurstrassen traita avec une fougue colorée les tympans d’un ensemble d’immeubles de bureaux à Nivelles
1 - NCS est l’acronyme de Natural Color System. Ce système de classi ca- tion des couleurs fut inventé en 1979 par le Scandinavian Colour institute AB de Stockholm. il est pour l’architecte ce qu’est le Pantone Matching System, inventé en 1963 à Carlstadt, New Jersey aux uSA, pour le gra- phiste et l’imprimeur.
2 - 01-569 Caserne des pompiers – Charleroi (2010), 01-573 Maison de l’Histoire européenne – Bruxelles (2010), 01-578 Nouveau centre administra- tif Jean Monnet 2 pour la Commission européenne – Luxembourg (2010), 01-574 1a Lujiadzi Cultural Creativity Garden Zhoushan – P1 : entrée du Site – Zhoushan (2010-en cours), 01-581 Centre de Congrès – Mons (2011), 01-585 Provinciehuis oost-Vlaanderen – Gent (2011), 01-494 New headquar-
(1999-2001 ; 01/379 – gure 2), sous l’inspiration de la grande œuvre musicale Le village planétaire qu’henri Pousseur composa pour le projet.
La rencontre avec Georges Meurant le 21 mai 2010 donna une nouvelle dimension à cette manière d’intégrer la couleur dans l’espace architectural. La complicité fut immédiate et la compréhension réciproque si évidente qu’il lui fut demandé d’intervenir de manière récurrente2.
Il est intéressant d’analyser la raison pour laquelle les propositions de Georges Meurant sont à ce point appropriées à l’architecture.
L’espace intérieur d’un bâtiment est principalement dé ni par les surfaces qui le délimitent : sols, murs et plafonds. Ces surfaces ont soit la texture et la couleur propres aux matériaux dont elles sont constituées lorsqu’ils sont laissés apparents, soit la couleur d’une peinture sur un enduit lisse.
La texture du matériau apparent, tel qu’un parquet de bois ou une maçonnerie de brique (même peinte), confère à cet espace bidimensionnel un certain « relief » propice à des ré exions variées de la lumière, créant un effet de vibration.
Son hétérogénéité de couleur permet à l’œil de supporter une tache ou une salissure de la surface. Ses motifs, comme dans le cas de plaques de marbre3, incitent à la rêverie.
À l’inverse, une surface lisse et de teinte uniforme ne vibre pas sous la lumière, se salit et ne suggère rien. C’est ici que la peinture murale intervient et ceci, depuis la nuit des temps4.
Elle s’y décline sous bien des formes, conçue et réalisée pour un lieu précis, contrairement au « tableau », mobilier par dé nition,
et prend toute sa signi cation lorsqu’elle est en relation intime avec l’architecture.
La manière dont Georges Meurant donne une spatialité à la surface, avec ses compositions de rectangles de couleur, est
en harmonie profonde avec le tracé architectural. Il s’en explique ci-après et dans son récent petit livre Perpetuum mobile5.
ters of the Council of the european union – Brussels (2011-2015, en cours), 01-527 De Groene Linde – Sint-Genesius-Rode (2011-2015, en cours), 01-597 CVoK – Kortrijk (2012), 01-598 Centre des opérations Brutele-Voo – Aéroport de Charleroi (2012), 01-577 AGC Glass Building – Louvain-la-Neuve (2013), 01-593 oReS – Charleroi (2013). L’intervention pour AGC est la première terminée à ce jour.
3 - Les Chinois en ont fait un art à part entière.
4 - La lecture du livre Histoire de l’art d’ernst Hans Gombrich, dont
la première édition remonte à 1950, est des plus enrichissantes pour
celui que le sujet intéresse.
5 - Georges Meurant, Perpetuum mobile, Bruxelles, Kantoken, 30 mai 2013.